dimanche 13 janvier 2008

La philosophie politique de Sarkozy (II) Afrique

Sur le discours de Dakar : l'Afrique et l'histoire

Le discours de Dakar sur l’Afrique (26 juillet 2007) a fait débat. Certains (dont BHL, France inter 9/10/07) l’ont qualifié de franchement « raciste » ; d’autres, même à gauche (dont Jacques Julliard, Le Monde, 22/10/07), l’ont jugé digne et juste. Le passage controversé est le suivant : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles […] Dans cet univers où la nature commande tout, l’homme échappe à l’angoisse de l’histoire qui tenaille l’homme moderne, mais l’homme reste immobile au milieu d’un ordre immuable où tout semble être écrit d’avance. Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin » (p. 7/17).
Ces formulations, pour être évaluées, doivent être mises en rapport avec le début du discours qui contient quatre idées : 
1) Les Européens ont une responsabilité particulière en Afrique, parce qu’ils ont « désenchanté l’Afrique » (p. 3/17). Autrement dit, l’Europe a forcé l’Afrique à entrer dans l’histoire, mais d’une manière impérialiste, en imposant par la force, l’indifférence et l’incompréhension, un modèle de civilisation.
2) Cette colonisation fut une faute et elle fut la cause de crimes, dont la Traite négrière, véritable « crime contre l’humanité ».
3) Pour autant : d’une part, la colonisation n’a pas eu que des effets négatifs et elle ne saurait être considérée, d’autre part, comme l’unique responsable de tous les malheurs actuels de l’Afrique, ce que les africains ont parfois tendance à penser en évacuant leur responsabilité.
4) Enfin, les valeurs de la civilisation africaine sont « un antidote au matérialisme et à l’individualisme qui asservissent l’homme moderne » … « elles sont le plus précieux des héritages face à la déshumanisation et à l’aplatissement du monde » (5/17).
Au regard de ces formulations, l’accusation de racisme doit être évacuée, si les mots ont un sens : il n’y a pas d’essentialisation des identités (africaine ou européenne) ; leur rapport n’est pas conçu de manière conflictuelle ou hétérogène ; l’universel reste un horizon commun à explorer et non l’apanage d’une civilisation particulière. L’idée directrice est que l’Afrique a raté autrefois, son entrée dans la modernité à cause de la colonisation, et qu’elle persévère aujourd’hui dans cet échec, mais par sa propre faute. Rien à dire …
Là où le discours est ambigu, c’est dans la détermination de la « Renaissance africaine » qu’il appelle de ses vœux : d’un côté, il invite à une véritable entrée dans l’histoire (c’est-à-dire dans la modernité, dans le progrès, …) ; de l’autre, il en appelle aux valeurs africaines ancestrales, qui sont « pré- (voir anti-) historiques ». Bref, il y a comme une double contrainte : l’Afrique doit être de plus en plus moderne, tout en restant anti-moderne. L’idée n’est pas absurde en soi : « le défi de l’Afrique, c’est d’apprendre à regarder son accession à l’universel non comme un reniement de ce qu’elle est mais comme un accomplissement » (p. 8/17), mais est d’un tel niveau de généralité, qu’elle retombe dans le « prêchi-prêcha » que le discours voulait à tout prix éviter … : « je ne suis pas venu, jeunes d’Afrique, vous donner des leçons » (p. 7/17) ! En vérité, je vous le dis … Au final, un discours peut-être ambigu sur la modernité, mais pas scandaleux sur l'Afrique.

A noter aussi : le passage sur « une autre mondialisation, avec plus d’humanité, avec plus de justice, avec plus de règles » (p. 15/17).
PHT

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